mardi 8 juillet 2008

6. les cigales

les cigales, les premières cigales, peut-être n’ai-je pas entendu les autres qui chantaient hier; chaque été la même histoire arrive avec mes premières cigales, premières grandes chaleurs, premiers corps qui collent et s’aspirent, les yeux qui se fondent les uns dans les autres, oui les yeux, j’aimerais tant croire en ses yeux cette nuit là, et la nuit quand je me réveille mille fois à cause de la chaleur, la chaleur appelle son corps, le sien, oui, son corps jamais le même mais tellement précisément celui-là aujourd’hui, celui-là et pas un autre, ça n’a jamais été aussi fort

chaque fois, me persuader n’avoir jamais ressenti le même pincement, me convaincre que cette fois-ci est plus puissante que les fois d’avant, plus vraie, plus intense, et chaque fois que je sens se tordre mon coeur, la peur, la peur de ne plus jamais après arriver à cette intensité, cette force, ce désir, mais il faut se rassurer, se dire que la prochaine fois, encore, encore, on oubliera la peau qui grésille, les nerfs qui se tendent, le sommeil qui s’opprime, le souffle, le maudit souffle qui se coupe et se convaincre à arrêter de se ronger, se gruger, s’altérer soi-même de l’intérieur

dans le même geste : de la douceur d’être prise par l’autre et de l’agressivité de ne rien partager, peut-être pas encore, peut-être bientôt, ce serait mon tour, non? rassurez-moi que cette fois, ce serait mon tour à moi de vivre enfin, de ressentir enfin que je ne suis pas seule, que chaque fois que ma tête est hantée, je hante sa tête aussi, gratte, insiste, flatte, caresse, que moi aussi, je suis présente dans ses nuits, que moi aussi, j’en fais partie de la chaleur oppressante, que les cigales parlent peut-être de moi dans leur chant unanime