jeudi 30 octobre 2008

i - Première neige

Ça doit faire... un an, un an et demie que j'ai pas écrit quelque chose qui ressemble à une nouvelle. Je vous demande un peu d'indulgence. C'est un tout premier jet, à peine écrit, j'ai eu une envie folle de le publier, question de voir ce qui en est...

J’avais imaginé, je sais pas, voir la première neige cette année avec toi. Tsé, la première neige qu’on attend pas, quand on porte encore nos snikes pis notre manteau d’automne. On aurait été là, à marcher sur le bord du parc et on aurait vu les premiers flocons tomber. J’aurais dit : « y neige » pis t’aurais répondu : « C’est beau. » Vu qu’on aurait pas encore sorti nos manteaux d’hiver, je t’aurais demandé si t’avais froid pis tu m’aurais répondu que oui, t’avais froid, alors peut-être que je t’aurais prise dans mes bras, rendues à la lumière au coin de la rue, pour te réchauffer. Ça aurait été un début, au moins.

Je sais pas sur le bord de quel parc on aurait marché, mais sans même se le dire on serait rentrées à pied chez celle qui aurait habité le plus proche. L’une aurait proposé un verre à l’autre, dans l’absolu, on aurait même peut-être fait un feu de foyer, mais pour ça il aurait fallu qu’on soit à NDG, Westmount ou à la campagne. Chez nous, j’ai pas de foyer, t’imagines, j’ai même pas de bain, juste une douche minuscule dans une salle de bain où le thermostat se met automatiquement à 8 degrés Celsius chaque fois que je le programme pour qu’y fasse au moins 20. Ça me choque, maudit, le matin, c’est infernal pour prendre sa douche pis s’arranger pour aller travailler.

Alors l’une aurait proposé un verre à l’autre pis on se serait assises sur un sofa pis on se serait collées. Y fait frette à soir sur mon sofa devant pas de feu de foyer. Avec pas toi collée sur moi.

J’te dis pas ce qu’on aurait fait après, sauf que peut-être que j’aurais joué dans tes cheveux pis qu’on se serait regardées en souriant comme si c’était normal. Pis comme si c’était normal, ben on se serait embrassées pour la première fois, on aurait posé les verres, on se serait foutues du froid sur nos peaux de plus en plus mises à nu. De toutes façons, avec le foyer, il aurait commencé à faire chaud.

C’est peut-être plutôt ça. Je t’aurais invitée à ma maison de campagne – j’en ai pas, pas plus que j’ai un char pour se rendre, mais t’es pas là alors on peut ben imaginer – pis après le souper on serait allées prendre une marche sur le chemin de terre, y’aurait fait ben noir déjà, à campagne y fait plus noir pis plus vite qu’en ville. Il aurait commencé à neiger, peut-être même qu’on aurait entendu du bruit à notre gauche dans la forêt. Toute le reste tient encore dans ce rêve-là, rentrer à la maison, le foyer, le petit verre…

Le lendemain matin, on se serait réveillées dans mon lit, on aurait dormi en cuiller, j’aurais mis mon nez dans le creux de ta nuque pour sentir ton odeur, un peu de crème pour les cheveux mêlée avec de la sueur. Mon maudit thermostat dans ma chambre aurait encore fait le con, la chambre aurait été à 17 degrés Celsius, on aurait pas voulu se lever trop vite.

Je t’aurais fait un café avec une machine italienne qu’on met sur le feu. Même si j’ai pas de maison à la campagne, c’est pas grave, ça je peux faire ça dans mon appartement. Mes colocs auraient pas été là si on avait été en ville pis chez moi. Chez toi, pareil, mais c’est toi qui serait allée faire le café et je me serais levée sans faire de bruit pour aller me coller à ton dos devant la cuisinière. Je t’aurais embrassée dans le cou, là où mon nez aurait passé la nuit à essayer de me rappeler de ton odeur au cas où ce soit la seule nuit que je passerais avec toi.

C’est ça, pis après, les jours se seraient enchaînés comme ça, il aurait continué à neiger et le dimanche on aurait écouté Beau Dommage en se faisant à déjeuner, à Chinatown, t’aurais dit : « C’est notre toune! ». On aurait fait l’amour des fois en plein après-midi pis on aurait parlé d’Annie Ernaux pour qui c’est le plus grand luxe. Tu m’aurais tout raconté de ton enfance passée dans une autre ville, de ton arrivée ici, moi je t’aurais raconté mes fins de semaines et mes étés à la campagne. Des fois on serait sorties avec des amis pis tout à coup, Noël pis le Jour de l’An seraient arrivés pis on aurait pas pensé à ce qu’on allait faire, si on allait dans ta famille ou la mienne, ou encore si on attendait à l’année suivante pour mélanger nos familles. Peut-être même que nos familles auraient même pas encore su qu’on se fréquentait, on aurait passé les fêtes loin l’une de l’autre en s’ennuyant, toi dans ton autre ville, moi ici encore à me dire que l’autre ville doit être belle.

J’avais imaginé qu’à la première neige ma vie aurait changé. La première neige est tombée; je m’y attendais un peu, une collègue m’avait avertie : mercredi, y va avoir une tempête. Ils se sont trompés d’une journée, la neige est tombée mardi soir, mercredi matin, il y avait une petite accumulation dans le parc derrière chez moi.

Quand la première neige est tombée, moi je marchais sur le bord de la 40 pour rentrer chez moi, avec un parapluie parce qu’en même temps qu’y neigeait, y pleuvait aussi. J’avais pas encore sorti mon manteau, j’avais des souliers en cuir qui ont cessé d’être des souliers neufs en trois secondes. J’ai failli m’envoler au coin de Lajeunesse pis de Crémazie, j’ai pensé à mon brigadier qui reste ben planté là tous les matins. Dans la poubelle devant la caisse Desjardins, y devait avoir une bonne dizaine de parapluies brisés.

Je suis rentrée chez moi toute trempe, toute seule, j’avais pas de message sur mon répondeur ni dans ma boîte de courriels. J’ai pensé que t’avais dû voir la première neige, toi aussi, mais que t’avais pas dû penser à moi.

J’ai voulu me faire une tisane pour me relaxer et me réchauffer. J’avais pas encore vraiment assimilé que mon ancienne coloc était revenue chercher ses affaires après six mois de voyage, j’ai cherché la bouilloire pendant un bon trois minutes pour me rappeler que je l’avais vue partir avec la fois où elle était venue chercher ses affaires. J’ai fini par me faire bouillir de l’eau dans une casserole, mais la casserole était mal rincée pis y restait du savon dans le fond, je m’en suis pas aperçu tout de suite. Mon coloc, lui, y mesure quasiment 7 pieds, fait qu’en faisant du ménage il avait rangé ma théière dans la petite armoire en coin, sur la dernière tablette du haut. Après m’être étiré un muscle en tentant d’atteindre ma théière, j’ai fini par réussir à me faire ma tisane, mais ça goûtait le cul, un mélange de savon melon-concombre et de tisane bonne nuit.

Je me suis installée dans mon salon pour regarder la télé, mais depuis deux mois, je sais pas pourquoi, le câble monté de chez la proprio marche plus. Elle a dû s’abonner à Illico la télé sur demande. J’ai tourné les postes, le 2, le 10, le 12, le 68 pis le 86. Y’avait rien à part Serge Postigo en double qui parlait d’un show, mais j’ai manqué le début alors je savais même pas de quel show y parlait. Rendue là, j’étais plus stressée que relaxée, j’ai décidé de fermer la télé, de plus boire ma tisane pis d’aller me coucher. En petite boule dans mon lit, c’est pathétique, mais au moins, couchée comme ça, y fait chaud.

J’ai rêvé à toi toute la nuit, je t’épargne les détails, mais tu marchais vers moi dans une tempête de neige en disant : « T’es ben p’tite », pis le blizzard était tellement fort que tu commençais à disparaître peu à peu, jusqu’à ce que je te vois plus mais que j’entende ta voix m’annoncer qu’il y avait un bouchon sur Décarie à la hauteur du viaduc Monkland pis qu’y fallait être ben vigilants sur la 40 parce que le vent était fort.

Je me suis levée quand les nouvelles du sport ont commencé. Sur le parc, il y avait encore un peu de neige, mais elle fondrait toute au cours de la journée, qui a vu une première neige qui reste au sol plus que 24 heures? Ma coloc dormait, mon coloc était déjà parti, quand je suis rentrée dans la salle de bain, j’ai mis les deux pieds dans une flaque d’eau à 8 degrés, de la vieille eau de corps de la douche de mon coloc. J’ai sacré, j’ai fini de me préparer en me disant que je prendrais un café en chemin au Couche-Tard, j’ai sorti mes bottes et mon manteau d’hiver. Au coin Lajeunesse et Crémazie, mon brigadier était là, il m’a dit bonjour, comme tous les matins, on a parlé un peu de choses et d’autres, puis j’ai continué mon chemin en évitant tous les donneurs de journaux gratuits. Dans le métro, y faisait chaud, j’ai sué dans mon manteau et je me suis dit que j’aurais peut-être plus de chance au printemps.

samedi 4 octobre 2008

10. rien

je ne sais rien
ni de toi ni
de moi

j’aimerais savoir j’aimerais
que tu saches
qu’on se le dise ce qu’on sait

je ne sais rien de moi
face à toi
mais je tremble

j’invente






j’invente tes yeux
j’invente ta bouche
et tes épaules et ton sexe et tes mains
j’invente tout
nous deux


mais tu ne sais rien