mardi 17 février 2009

Équilibre

On ne perçoit d’abord que l’immobilité.
Les yeux fixés sur l’impossible, le regard s’habitue à la noirceur des portes closes. Peu à peu, on invente un mouvement pour habiter le corps. On croit que les mains ont voulu arracher l’étau. Se convainc d’un instant de sublime arrivé trop tard, quand la fin explosait en renaissance.
Lorsque les yeux dévient, on découvre une lettre clouée au sol. Il n’existe ni sang ni larmes pour brouiller les aveux. Tout est là, écrit à même la chair de la détresse. On reste seul devant l’évidence. Les mots nient les hypothèses d’épiphanie.
Derrière soi, on devine une présence. Le regard reste happé par la déroute.
On ne sent rien du mouvement de pendule qui nous envahit.
Il faut du temps pour sentir la chaleur de la main posée sur son épaule.

dimanche 15 février 2009

Dédales

Soudainement, on ouvre les yeux à la croisée des couloirs.
De tous les côtés, les murs étouffent. On ne sait pas comment on est arrivé là, incertains d’avoir marché. La panique vertige le corps.
Entre l’immobilité et la course, on choisit la course. Il sera impossible après de décrire les voies empruntées. Mais une certitude restera : d’être déjà passé devant le blanc des murs.
Il n’y a aucune trace qui parle de notre présence.
La tête tourne. On ralentit le pas, prend à gauche en jetant un oeil vers l’arrière. On avance sans regarder ce qui s’invente à la lisière avant des sens. On se retourne trop tard pour éviter le choc des corps. Dans le recoin d’un couloir sans issue, une femme, pendue, attendait d’être découverte.
Le réflexe du cri n’arrive pas.
Il faudrait faire demi-tour pour chercher de l’aide.

jeudi 12 février 2009

Chambranle

C’est là que tout s’arrête. Un film transparent empêche les morceaux de s’échapper. Il faut fendre le film à la lame d’un couteau pour qu’y pénètre une nouvelle parcelle d’os. Alors c’est l’explosion, la confusion totale entre l’en dedans et l’en dehors. On ne sait plus ce qui sort et ce qui entre, du sable glisse entre nos doigts écartés. Malgré nos efforts suprêmes pour tout conserver, on en perd toujours quelque chose.
Le film transparent est une fenêtre givrée. Givrée par les empreintes digitales de toutes les vaines tentatives d’intrusion. Givrée du sébum de toutes les collisions. On fronce les yeux, en vain, dans l’espoir de rétablir la vue. Mais ce n’est pas la vue qui trompe. C’est le temps.
Alors, il faut percer le film, c’est un geste d’un courage sans bornes. On ne peut le faire qu’au moment où la raison nous échappe.
Pendant un instant, s’accrocher à la folie du nécessaire.

mercredi 11 février 2009

Bourrasques

Au début, on ne sait pas d’où ça vient.
Ça siffle entre les vitres. À tout moment, tout pourrait éclater, pulvériser des tessons au travers des pièces. Il faudrait trouver une brèche où se terrer. Mais on reste debout, même lorsque les jambes flanchent. Même si le verre se loge au creux des pores. Ce n’est pas notre première rafale. On reste immobiles et silencieux, figés peut-être. Figés dans le souffle qui passe au travers des corps.
Ce n’est pas une catatonie. C'est une aigue conscience de l’extérieur.
Ça siffle entre les côtes; une fuite. Pénètre au goutte-à-goutte pour tout envahir. On reste cois. En attente de la fin. La sédimentation des verbes entre le diaphragme et les cris.
Ça s’apaise. Au début, on ne réalise pas que ça s’apaise.
On en ressort décoiffés.
Plus vivants, encore, que la seconde d’avant.

dimanche 8 février 2009

Apaisement

Ça cogne, tourne, débat et tourbillonne.
À l’intérieur du corps tout s’arrache de la surface. Plus rien que la tornade n’existe comme vrombissement au plus profond de la mémoire. Il faut se rappeler d’expirer. Expirer pour se convaincre d’espérer encore entre deux affolements du cœur, entre les dérapes toujours plus nombreuses et les pieds qui glissent sur des chaussées déjà sèches.
Tout à coup, on a peur. Une vaste peur qui prend là, directement où le cœur ne sait plus comment battre. Tout à coup, la peur dévaste jusqu’aux croyances et aux certitudes. C’est le vide qui pousse et bardasse pour s’installer. Le vide ne peut cohabiter avec rien à l’intérieur du corps.
Le vide reste. On ne sait pas combien de temps il reste. Puis le vide devient un espace.
Je ne veux pas d’un revolver sur ma tempe, je veux d’un baiser pour tout éteindre.