samedi 18 avril 2009

L.

Il n’y a pas de mot pour remplacer son nom.
C’était elle, cette femme pendue.
De jour, elle plane, vautour ou étoile, sur Montréal. La nuit, elle regagne peut-être ses arbres.
C’est toujours elle, L., et on ne sait pas pourquoi taire son nom. Quelque chose du rituel qui refuse le mausolée.
Elle. Son visage gratté dans la mémoire. Effacés : son odeur, sa voix, ses mots. Seule l’absence ne disparaît jamais.
Un jour, elle s’est réveillée. A attendu d’être seule. A posé une lettre dans l’entrée. A volé la ceinture du père. L’a nouée dans le garde-robe de notre chambre. A installé une chaise. A passé sa tête dans le nœud coulant. A poussé la chaise avec ses pieds. A suffoqué. Est morte.
On peut inventer tous les gestes.
On ne saura jamais ce qu’elle a pensé.
Parfois, on interroge le ciel ou les arbres.

vendredi 3 avril 2009

Kilomètres

Il y a de vastes distances à parcourir.
On ne sait rien. Rien de l’écart entre soi et l’arrivée. On ne sait pas s’il y aura un point de chute. Si le travail se fait vainement, dans une tentative désespérée de ranimer les morts.
Il y a des doutes. Des espaces et des espaces remplis de doutes. Et on les balaie et les réprime et les nie.
Ils s’agglutinent au plus près du corps. Entravent l’avancée. Courir dans une vaste étendue d’eau, une menace à sa poursuite.
Et si l’essoufflement ne libérait jamais les bronches, aurions-nous la force de faire demi-tour, de parcourir à nouveau tout ce calvaire uniquement pour revenir au point de départ? Peut-être aurait-il fallu prendre l’autre chemin. Était-ce celui de droite ou de gauche?
Au travers des doutes, il y a quelque chose. On ne sait pas d’emblée nommer ce qui tire chacun de nos pas.
Une pensée furtive : et si on ne faisait pas erreur? L’instant d’un espoir, le pied se soulève, se pose un peu plus loin. L’autre suit.