lundi 18 mai 2009

Nuance

Un jour, une rédemption. Un visage aperçu qui ne portait rien d’elle.
Il reste donc des femmes qui vivent hors de la mémoire.
On aime le visage, on s’y attache, y revient, on le peint. Il y a quelque chose dans ce visage qui n’appartient qu’à nous. Il y a tout ce qui n’existait pas encore : l’amour d’une femme, le désir, les lèvres rouges.
Il y a tout ce que la femme pendue ne saura jamais de nous. Et nous inventons sans elle, avec jouissance, une histoire hors de l’enfance.
Entre le visage aimé et nous : un abîme de fêlures. Des heures et des heures à raconter, à découvrir, à déterrer, à ensevelir. Des efforts pour cacher, pour savoir, pour se taire, pour parler.
Ça dure. Un temps variable. Il y a des épiphanies et des goûts amers.
Parfois, ça s’essouffle et il n’y a rien à faire.
Un jour, on pense : les images accélérées ne sont plus les mêmes.
Et les traits se mélangent.

dimanche 17 mai 2009

Moment

On perd foi en l’heure.
Tout à coup, les images accélèrent. Elles défilent, défilent et se heurtent aux oeillères. Elles explosent, leurs parcelles pulvérisées se glissent jusqu’à notre cœur, emplissent nos poumons, assèchent notre bouche et nos yeux. Les arbres se rapprochent, étouffent la route.
Arrêt sur image : chaque feuille est gravée d’une parcelle d’elle. Un mot, un masque, un cœur, des poils de taureau, des ailes de libellules. Les feuilles sont sombres, grises et noires, parfois des sumacs rouges ou bourgognes.
On n’a pas le temps de tout saisir. On ne garde que quelques impressions furtives.
On court entre les images. Soudainement, on ne sait plus : vers quoi court-on? Depuis combien d’heures?
Le temps indique : deux ans, trois ans de course.
Et on s’étonne que tout ait changé.