lundi 24 novembre 2008

11 - tout se tamise

aux aguets du silence
j’écoute des sons qui ne viendront pas

tout se tamise

le fleuve gèlera
jusqu’aux embâcles
la crue guette les villages
les larmes menacent les rigoles le cou
ça s’accumule de mer salée dans les trous des trapèzes

je m’apaise de surdité
j’ai peur des foules des regards des mots

je voudrais crever les eaux
en solitude

ii - deuxième neige

La deuxième neige tombe ce soir. Rue Lajeunesse, juste au nord de Crémazie, devant le pub du métro, une fille à dit à un gars : « C’est la première neige ». Elle ne savait rien de son erreur, moi, je me rappelais la première fois.

C’est beau ce soir. C’est le silence de la neige que j’aime. Tout devient sourd, étouffé. On marche dans la rue et tout est calme. C’est la première neige sans de la pluie dedans.

J’avais sorti depuis quelques jours mon manteau d’hiver, mais toujours pas mes bottes. Mes souliers crissaient à chaque pas, à chaque pas s’imprimant dans la pellicule blanche qui n’avait pas encore été marquée. Comme si j’ouvrais une marche.

Je n’avais pas imaginé que les choses aient changé entre la première neige et la seconde. Les choses n’ont peut-être pas tant changé, c’est peut-être seulement moi qui ne suis plus à la même place. Il y a eu un léger déplacement.

La deuxième neige tombe ce soir et je pense encore à toi. Mais la douleur s’est atténuée. Ton absence est moins oppressante. Il y a des moments où je me surprends à ne pas penser à toi. Chaque fois l’impression d’une victoire et, en même temps, le sentiment de faire un pas vers l’arrière.

J’ai besoin de silence. J’ai besoin que les choses autour de moi ne bougent pas sans arrêt. Qu’il y ait des moments de pause, où je peux lever le regard et prendre le temps d’imprimer dans mon être les détails de ce qui m’entoure.

J’aurais encore envie, tout le temps, qu’un corps se colle au mien. Mais je commence à envisager un corps autre que le tien. Il est difficile de trouver une substitution dans le fantasme. Je n’arrive pas à imaginer un corps que je ne connais pas, que j’inventerais, avec au bout une tête qui pourrait être n’importe laquelle. J’ai envie de quelqu’un de vrai.

Demain, j’ai pris congé. Après huit jours consécutifs de travail, après les foules du Salon du livre, je boirai, seule, un café au lait ou un thé Genmaicha en regardant le parc et la neige accumulée. Je ne sais pas combien de temps la neige restera au sol, je me dis que cette fois, c’est peut-être pour de bon. Nous en avons pour un bon cinq mois.

Je me demande où je serai lorsque la neige fondra. Je me demande si je serai seule à regarder les glaçons dégoutter. J’imagine que oui, mais sans trop de douleur. Parce que, ce soir, ça va. Au jour le jour.

Peut-être que j’écrirai de la poésie.