Michael Edwards, « Création et répétition »[1]
Tel que l’énonce Michael Edwards dans son article « Création et répétition », la répétition me paraît inévitable dans l’acte créateur, puisqu’on ne peut créer à partir d’un matériau qui nous est totalement inconnu. Il ne suffit toutefois pas de simplement répéter les paroles du passé, mais de les réactualiser au présent pour les entendre différemment, comme prononcées avec une nouvelle voix.
Il est cependant facile de répéter le souvenir sans le réactualiser, et ce, sans même s’en rendre compte. Je crois qu’il importe de toujours rester conscient – et encore davantage lorsque notre travail créateur puise sa matière même dans un questionnement sur la réminiscence – de ce danger qui nous guette, de cette possibilité d’une répétition sans innovation, d’une répétition qui ne questionnerait pas le matériau qui revient à la mémoire.
Lorsque j’aborde ici l’idée d’une innovation, je ne veux pas parler d’un travail créateur qui viserait sans cesse à faire quelque chose de nouveau, d’inédit, dans une optique qui retiendrait presque du spectaculaire. Il s’agit plutôt d’une innovation dans le regard que l’on porte sur le souvenir – ou sur le langage – que l’on réutilise dans l’optique de créer quelque chose qui, d’abord pour le créateur, n’est pas une simple redite. C’est ce nouveau regard posé sur l’objet de notre attention qui permet d’envisager un nouveau rapport à ce qui est déjà connu sous un certain angle.
Il ne faut pas non plus oublier que le regard que l’on pose sur cet objet, sans même qu’on s’en rende compte, change constamment, l’angle d’approche se modifie par le simple fait que l’on n’est plus, en tant que sujet, tout à fait le même. C’est, au bout du compte, dans l’ensemble des changements qui s’opèrent dans le rapport entre le sujet et l’objet que s’accomplit l’évolution du sujet. Et c’est par cette voie que peut s’inscrire le changement de perception du sujet face à l’objet qui l’intéresse. Ainsi, si on reste vigilant, il serait possible que, de fil en aiguille, notre relation au souvenir change, et que la réactualisation de ce souvenir modifie notre relation au monde et à notre identité propre, ce qui nous permet de regarder à nouveau l’objet sous un nouvel angle. Et le mécanisme est mis en branle.
[1] Michel Edwards, « Création et répétition », dans L’acte créateur, Paris, Presses universitaires de France, 1997, p. 143-158
dimanche 17 février 2008
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