dimanche 13 avril 2008

IX - L'autoportrait est-il voué à l'échec?

sur « Introduction. Autoportrait et autobiographie », Michel Beaujour[1]

De la même façon qu’on ne peut affirmer qu’une photographie d’un individu prise par lui-même ne peut être considéré comme une image totalement fidèle de cette personne, il me semble que la volonté de se peindre, par le langage, dans un texte littéraire ne peux être complètement satisfaite. Il me semble impossible que l’on parvienne, même au terme d’un travail acharné d’exhaustivité, à se dire complètement, à se montrer tridimensionnel et mouvant, à exposer de soi une image verbale de la personne que l’on est entièrement.

Le premier obstacle que l’on rencontre dans cette volonté de se peindre est précisément celui d’un médium par lequel on doit inévitablement passer. Que ce soit en peinture, en photographie, ou en écriture, le fait de se dire passe inévitablement par une durée, par une prolongation de l’acte de parole dans le temps, par la superposition des coups de pinceau, par la mise au foyer de l’objectif. Se dire complètement dans un seul geste, dans un seul mot, devient impossible, puisque chaque élément doit être exposé, montré. Il en va de même de la photographie, qui ne peut présenter de nous une image complète, embrassant chacune de nos dimensions.

Si l’écriture, la photographie, la peinture, ne peuvent nous permettre de nous dire complètement, je ne crois toutefois pas que ce soit une entreprise vaine. Parce qu’il me semble que c’est en tentant de trouver le mot juste, celui qui nous permettra de se dire le plus précisément, malgré les limites induites par le seul fait de l’énonciation, que l’on parviendra, peu à peu, à trouver une façon de se définir, même partiellement.

Ces morceaux de nous-mêmes qu’on parviendra à définir, s’ils n’arriveront pas à nous dire en entier, s’accumuleront, au cours de notre vie, de façon à créer une fresque, une forme de suite d’éléments qui, les uns les autres, se répondront, se feront écho, se parleront et arriveront peut-être à parler de nous. Si nous n’arrivons pas nous-mêmes à nous dire, peut-être que ces petites traces que nous laisserons arriveront à le faire, même partiellement.

Il restera néanmoins un vide, à la fin de notre autoportrait, sorte de tache aveugle de notre vie. Parce que si l’autoportrait, comme le mentionne Beaujour en évoquant Barthes, nous permet un apprentissage partiel de la mort, jamais, cette mort, nous ne pourrons la dire après.

[1] Michel Beaujour, « Introduction. Autoportrait et autobiographie », dans Miroirs d’encre : rhétorique de l’autoportrait, Paris, Seuil, 1980, p. 7-26.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

je ne savais trop où te l'écrire alors tu le liras ici: bon voyage! je te souhaite de découvrir à paris une esquisse de toi, un morceau de mort de moins à l'identité.xxx alain choquette

anne-marie a dit…

Merci Alain!!
ça me fait super plaisir!
Et j'ai bien l'intention d'y découvrir plein de petits morceaux de moi là bas!!
On se revoit très bientôt! Vive les terrasses et le groupe créateur!
Am xxxx